《Le Camp [French]》 Chapitre 1 If you discover this tale on Amazon, be aware that it has been unlawfully taken from Royal Road. Please report it. patchwork de briques, t?les ondul¨¦es et de bois moisi qui la composait... Sans oublier le sacro-saint plomb, absent de nos tentes et qui nous valait de nous lever au milieu de la nuit. Chapitre 2 Je n''attendais plus le jour, mais il finit par filtrer ¨¤ travers les meurtri¨¨res. Toute la nuit j''avais guett¨¦ cette fen¨ºtre sur le monde ext¨¦rieur et, captiv¨¦ par l''¨¦clat vermeil de Mars, imaginais la l¨¦gion des cr¨¦atures qui errait dans la for¨ºt. Les pri¨¨res avaient cess¨¦ bien avant que l''aube ne pointe et je me sentais comme le guetteur : celui qui veille quand les autres s''enfoncent dans un sommeil innocent. Je me suis envol¨¦, fait le tour de la Lune puis ait atterri sur Mars. La mis¨¨re humaine ne repr¨¦sentait plus rien pour moi qu''une minuscule perle bleue, puis les ¨¦chos des combats ont parcouru l''immense espace pour me retrouver. Ils me suivent et je n''y ¨¦chapperais jamais, peu importe la distance que je leur impose. Optionnellement, je n''ai pas dormi, pensais-je. . Nous devions trier les merdes pill¨¦es et apport¨¦es par les camions jaunes. Les chauffeurs qui en descendaient dire, me dit-il. If you discover this narrative on Amazon, be aware that it has been stolen. Please report the violation. Fait chier, ce n''est pas le moment, me dis-je en me sentant d¨¦faillir. Ta gueule, pensais-je avec une intensit¨¦ digne de lui transmettre le message par t¨¦l¨¦pathie, ce n''est pas toi qui marche le dos charg¨¦. Retourne marteler tes pelles ¨¤ la con. Chapitre 3 Stolen content warning: this tale belongs on Royal Road. Report any occurrences elsewhere. Chapitre 4 J Ma troisi¨¨me et derni¨¨re sortie, je la r¨¦alisa en c¨¦l¨¦brant la fin de mon confinement. Je pouvais me promener sans crainte avec mon pr¨¦cieux arr¨ºt de travail, froiss¨¦ et ¨¤ moiti¨¦ d¨¦chir¨¦, dans ma poche. Nous nous ¨¦tions finalement accoutum¨¦s ¨¤ la pr¨¦sence d''hommes arm¨¦s dans le quartier et la rumeur circulait selon laquelle ces derniers ne tarderaient pas ¨¤ se tirer. J''attendais ce moment avec impatience car le gris des ruines me d¨¦solait assez sans qu''on ne vienne y adjoindre le bleu marin de l''autorit¨¦. Depuis des jours, les vagues se succ¨¦daient dans le quartier et je ne voyais pas la mar¨¦e redescendre. Cela m''oppressait et lorsqu''ils commenc¨¨rent ¨¤ dispara?tre, le bois pourri ¨¦chou¨¦ sur nos rivages restait en souvenir de leur passage. Par bois pourri, j''entends les visages ferm¨¦s qui occupaient d¨¦sormais nos quotidiens. Les autres se d¨¦pla?aient furtivement comme si le H¨¦ron se trouvait au coin de la rue, mais moi je continuais ¨¤ marcher. Je prenais conscience que mes sorties pr¨¦c¨¦dentes n''avaient comme objectifs que de garder mon esprit ¨¦loign¨¦ de la famille Escamilla. Je ne portais plus d''affection pour Maria, m¨ºme s''il serait plus juste de dire que je la comprenais maintenant comme une manifestation de Lucille et du manque que je ne pourrais jamais combler. Un transfert si vous voulez et celui-ci revenait ¨¤ la surface. Qu''¨¦tait devenu la femme ¨¤ l''enfant ? Fuyait-elle son conjoint revenu d''exil ? Lucille avait-elle rencontr¨¦ ce tar¨¦ dans la for¨ºt ? Ou alors, plus probable, gardait-elle son enfant ¨¤ l''abri du H¨¦ron ? Maria et Ugo... Je crois que c''est le fait que l''on cessa de les chercher qui les ramena ¨¤ moi. Tant qu''ils occupaient l''espace mental d''autrui, je ne m''en souciais pas, mais maintenant... Maintenant ils disparaissaient vraiment, oubli¨¦s par la masse, et aussi mes pas, en cette derni¨¨re exploration maladive, me guid¨¨rent-ils vers la boulangerie d¨¦saffect¨¦e et la tente qui avait manqu¨¦ de m''?ter la vie. La boulangerie... Je ne l''avais jamais vraiment remarqu¨¦ avec sa vitrine barricad¨¦e et la vieille chemin¨¦e qui se cassait la gueule. Elle appartenait ¨¤ un monde signifi¨¦ par ce mot ¨¦trange "Boulangerie". Je me mis ¨¤ penser une autre histoire, o¨´ l''humanit¨¦ serait assez d¨¦ploy¨¦e pour que des charges aussi vitales que l''alimentation soient d¨¦vou¨¦es ¨¤ des individus plut?t qu''¨¤ l''ensemble de la communaut¨¦. Qui allumait le four en cette ¨¦poque r¨¦volue ? Les personnes ordinaires venaient-elles, leur paton sous le bras, cuire leur fourn¨¦e dans ces ¨¦tablissements ? The author''s narrative has been misappropriated; report any instances of this story on Amazon. J''ignore si c''est ¨¤ cause de ma maladie, mais cette vue ne m''enchanta pas et je me replia vers la chauss¨¦e. Une poubelle publique rencontra mon regard. Elle ¨¦tait pleine. Je me leva pr¨¦cautionneusement et marcha vers celle-ci. Elle contenait un sac de randonn¨¦e que je vida. Des paquets marrons tomb¨¨rent par terre et je vis nos r¨¦serves d¨¦rob¨¦es, nos barres ¨¦nerg¨¦tiques et compl¨¦ments vitamin¨¦s. Je venais de faire la d¨¦couverte de la semaine et l''aurait certainement report¨¦ si en m''agenouillant pour les ranger, je n''¨¦tais pas tomb¨¦ sur un plaid ¨¦lim¨¦ ¨¤ tartan jaune qui ¨¦tait rest¨¦ bloqu¨¦ au fond du sac. Je le d¨¦plia et le replia plusieurs fois. Un copain avait pour habitude de s''en servir comme poncho lors des journ¨¦es fra?ches et je jura de lui p¨¦ter la gueule la prochaine fois que je le verrais comme on jure sans jamais vraiment aller au bout de ses dires. Je d¨¦cida tr¨¨s rapidement de garder cela pour moi et m''embarquais du mauvais c?t¨¦ de la loi, mais dans l''absolu je ne voyais pas comment faire autrement. Les d¨¦tails du vol s''alignaient et je ne pouvais faire pencher la balance vers lui. Je me mis ¨¤ me demander si lorsque j''avais caboss¨¦ la t¨ºte du vieux, d''autres personnes dans l''assembl¨¦e avaient lanc¨¦ leur pierre avec horreur, connaissant plus que ce qu''ils ne laissaient para?tre. - T''es qu''un con. Chapitre 5 Je r¨¦cup¨¦rais rapidement et les miasmes qui ¨¦manaient de ma personne s''¨¦loignaient dans mon intangible pass¨¦ en m¨ºme temps que ma libert¨¦. Il ne me restait plus longtemps. Je reprenais progressivement ma place dans l''univers des existants et me rendait ¨¤ mon premier repas en communaut¨¦ depuis ce qui me paraissait ¨ºtre une ¨¦ternit¨¦. En entrant dans le mess surcharg¨¦, je d¨¦couvrais que le contact de mes semblables ne m''avait pas manqu¨¦. Mes voisins, ¨¦reint¨¦s par la vie au camp, se rassasiaient en discutant de sujets mille fois ressass¨¦s. Ils piochaient sans force les carottes fatigu¨¦es qui se promenaient au fond de leur gamelle. Pour moi, c''¨¦tait un repas extraordinaire. Je n''avais rien pu avaler de consistant durant ma maladie. Je me ravissais des l¨¦gumes et de ce que je consid¨¦rais ¨ºtre de la viande. Au vu de la texture, je peux affirmer sans trop prendre de risque qu''il s''agissait d''un ragondin chopp¨¦ dans le marais voisin. Notre cuisiner ¨¦tait parti ¨¤ la chasse avec un milicien, petite entorse ¨¤ la r¨¨gle implicite qui voulait que nous ne sortions jamais du camp que Carlsen autorisait. Rien n''¨¦tait vraiment dit ¨¤ ce sujet et l¨¦galement la d¨¦fense de ses sorties tenait m¨ºme si elle entrait en conflit avec le devoir de pr¨¦servation que nous nous imposions. Oui, mais avec un mec arm¨¦... J''imagine que la pr¨¦sence d''un homme arm¨¦ rendait ses sorties acceptables. - C''est mauvais, se permit-on de dire ¨¤ mes c?t¨¦s. L''adolescent ne l''¨¦tait plus et mangeait malgr¨¦ tout. De mon c?t¨¦, je mangeais comme un affam¨¦. La viande bouillie me sustentait et connaissant sa raret¨¦ je n''en laissais une miette. Je regrettais cependant que le sel ne soit r¨¦serv¨¦ qu''aux jours festifs. Hector, de l''autre c?t¨¦ de la table, ¨¦talait la bouillie d''avoine qui l''accompagnait dans tous les sens. La vapeur qui s''en ¨¦chappait ne voulait calmer son ardeur et apr¨¨s un premier essai, il reposa avec soin sa cuili¨¨re. - C''est chaud, dit-il. Je continuais ¨¤ d¨¦monter m¨¦thodiquement mon assiette. Indubitablement, c''¨¦tait chaud. Je me br?la la langue plus d''une fois. R¨¦ellement et m¨¦taphoriquement parlant. La question poussait et je ne lui posais pas. - C''est comestible, r¨¦pondis-je. - Si tu le dis. Je ressentais l''anxi¨¦t¨¦ dans sa voix et commen?ais ¨¤ penser que la chaleur soit le seul repoussoir de son app¨¦tit. Je lui donna un coup de pied par sous la table, plus violent que ne le souhaitais : - Bouffe, l''incitais-je. - Tu ne sais pas qui te mangera ? - Mille fois entendu. - Je crois que je n''ai pas faim, admit-il. Je reposa ma cuill¨¨re et le regarda d¨¦concert¨¦. Je repensais ¨¤ la faim, bien passag¨¨re, endur¨¦e par les gens du quartier ¨¤ cause de sa derni¨¨re escapade. Je me pencha vers lui et lui glissa un ? quelque -chose te turlupine ? ? belliqueux. Il se recula sur sa chaise comme si je l''avais frapp¨¦ et rougit ostensiblement. Personne ne nous remarqua. Personne ne remarquait personne dans le camp. - Je n''aime pas la sapinette. Je consid¨¦rais avec int¨¦r¨ºt le double sens de sa d¨¦claration. Notre assiette contenait des herbes, mais je compris qu''il faisait r¨¦f¨¦rence ¨¤ la for¨ºt. Il me sourit nerveusement, se for?a ¨¤ avaler une cuill¨¨re et retira une ¨¦pine de sa gencive meurtrie. Elle se mit ¨¤ saigner et je ne donnais pas long feu de ses ratiches. Il l''¨¦pongea de sa langue en observant les alentours. Hormis l''adolescent, qui ¨¦tait ¨¦loign¨¦ ¨¤ plus de deux m¨¨tres de nous et parlait fort, nous ¨¦tions seuls dans notre coin du mess. Nous surnommions d''ailleurs notre table ? le coin des amoureux ? pour l''intimit¨¦ qu''elle offrait. La v¨¦rit¨¦, c''est que nous parlions habituellement et assez ¨¦nergiquement pour importuner la moiti¨¦ des autres travailleurs. Tous nous ignoraient. Je me pencha vers Hector : - Tu m''¨¦tonnes que tu n''aies plus faim, lui soufflais-je. - Je... - R¨¦gale-toi, ce ne sont pas ces foutues rations K. - Heureusement qu''elles ont disparu, ricana-t-il comme un gamin pris sur le fait. - Ouais. Il ne fait pas frisquet en ce moment d''ailleurs ? O¨´ as tu paum¨¦ ton fichu poncho ? - Qu''est-ce que tu veux dire? - Le jaune et gris... Tu sais de quoi je parle, dis-je d''un ton mauvais. L''indicible honte ab?ma le visage de mon ami. - Personne n''est mort pour tes conneries, encha?nais-je. - Peut-¨ºtre que j''en avais ras le cul de ressembler ¨¤ Clint Eastwood, se d¨¦fendit-il piteusement En r¨¦alit¨¦ il tentait de m''amadouer. J''aimais bien le vieux cow-boy. Les bobines sauv¨¦es dans le cin¨¦ abandonn¨¦ conservait une belle collection de vieux westerns. Je le revoyais, crasseux, visant la corde et tirant son coup... Ne manquant jamais sa cible. Ou presque. Des nuques ont craqu¨¦ et je pensais que la sienne allait suivre. - Eastwood, r¨¦p¨¦tais-je. Eastwood... Tu sais ce que ?a veut dire en vieux anglais ? Les bois de l''est. Dr?le de nom, hein ? Tu penses que lui les aurait bouff¨¦ ces rations ? Je m''emparais du plateau de la table bancale pour ne pas la frapper. La col¨¨re pulsait. Maria avait disparu, il ¨¦tait impliqu¨¦. Je n''¨¦tais pas all¨¦ voir ce qui se trouvait pr¨¨s des barbel¨¦s, mais sans surprises aurais-je vu les traces de Maria qui se tra?nait vers la for¨ºt : sans vivres, sans poncho. Elle se crevait si elle ne l''avait pas d¨¦j¨¤ fait. - Je t''expliquerais tout, me promit-il avec le regard torve. - J''ai ¨¦t¨¦ assez vilipend¨¦ pour ne pas vouloir ¨ºtre lapid¨¦, alors ouais. J''esp¨¨re que tu vas parler. - Plus tard... Il me caressa fugacement le dos de la main et nous repr?mes une posture normale, un sourire fig¨¦ sur nos visages. D''un point de vue ext¨¦rieur, c''¨¦tait comme si nous venions de nous raconter une blague d¨¦gueulasse. Nous nous entend?mes en un regard : je pouvais attendre, mais pas longtemps. Croyez-moi, je concevais qu''on puisse avoir des raisons valables pour d¨¦rober le stock d''une communaut¨¦ et je voulais l''entendre de sa bouche. Mes l¨¨vres s''enivraient surtout des noms de Maria et d''Ugo. Je ne pouvais concevoir que son vol et la disparition des Escamilla ¨¦taient d¨¦connect¨¦s. ? OK, Zero killed ? esquissais-je ¨¤ la fois de ma bouche et de ma main. Je me m¨¦prenais. Un bruissement m''alerta de l''arriv¨¦e d''un groupe dans la cantine. Elle acceptait 70 personnes, bien qu''en n''en accueillant que 64 habituellement et pour la premi¨¨re fois nous ¨¦tions au complet. Dans le groupe se trouvait Carlsen, la barbe mal ras¨¦e. Il me rappelait alors un arbre maladif : des cavit¨¦s creus¨¦es par les oiseaux accueillaient ses orbites. Je m''attendais presque ¨¤ voir ces sales volatiles s''envoler et le vieux bois craquer, entra?nant dans la foul¨¦e l''incendie de la for¨ºt milicienne. Jamais je ne les avais vu aussi ¨¤ cran et je compris rapidement que la silhouette sombre qui les accompagnait (le 70¨¨me) n''¨¦tait pas un comparse calcin¨¦. Le type avait une dr?le d''allure avec son teint plus burin¨¦ que basan¨¦ qui le glissait entre deux ages diam¨¦tralement oppos¨¦s sur l''autoroute de la vie. Un putain de scout. Il ¨¦tait accompagn¨¦ par un soldat mutique. Ils condamn¨¨rent l''entr¨¦e de la tente. Tout le monde se tendit, mais Hector battit des records en se raidissant. Je ne discernais plus la moindre articulation dans un corps soudainement devenu bloc.Enjoying the story? Show your support by reading it on the official site. Carlsen s''approcha d''une table, vira les occupants du banc et monta dessus en chancelant. Le scout croisait ses bras, immuable. Nous nous foutions r¨¦guli¨¨rement de la gueule de notre milicien en chef, mais cette fois-ci nous l''observions avec terreur. Il incarnait plus qu''un fils ¨¤ maman bien plac¨¦. Le H¨¦ron s''¨¦tait empar¨¦ de lui : - R¨¦sistants ! Le H¨¦ron est parmi nous, le scout Desmond nous a rejoint ! Cria-t-il. Nous ignorions la voix f¨¦brile. Je me mis ¨¤ cherchais la vieille Hilde et ne la trouva pas. J''imagine qu''elle ¨¦tait cach¨¦e dans un coin ¨¤ se signer fi¨¦vreusement ¨¤ l''apparition de ce dieu mineur. Le scout Desmond unit son majeur et index droit, serra les autres doigts et nous pr¨¦senta le dos expos¨¦ de sa main gant¨¦e. L''oiseau marqu¨¦ au fer rouge nous glissait un clin d¡¯?il. J''eus la nette impression qu''il rougeoyait encore, fra?chement appos¨¦ sur la peau meurtrie, lorsque le scout parla : - Le H¨¦ron approuve et reconna?t l''acte ¨¤ venir, dit-il d''une voix m¨¦tallique, presque canc¨¦reuse. M¨¦phitique dans tous les cas. L''affreuse image de la suite des ¨¦v¨¦nements s''imposa ¨¤ moi. Les miliciens marcheraient jusqu''¨¤ notre table, renverseraient nos gamelles encore fumantes et embarqueraient mon seul ami. Nous ¨¦tions pr¨¨s d''un pan de la tente que je jugeais assez fragile pour laisser passer un homme. Je la d¨¦signa d''un signe de la t¨ºte et il s''empara de ma main qu''il serra. Il me dit que non. Il claquait des dents. ? Ils me verraient ? me dit-il m¨¦caniquement. Je ne percevais aucune crainte dans sa voix. Seulement une froide r¨¦solution. - Merci pour votre confiance, encha?na Carlsen. Nous intervenons dans le cadre du crime commis ici m¨ºme en d¨¦but de semaine. - De fortes suspicions ont ¨¦t¨¦ port¨¦es ¨¤ l''encontre d''un de vos voisins, ajouta le scout. Des brouhahas de surprise envahirent la cantine. Je donna un coup s¨¦v¨¨re ¨¤ Hector, il hocha la t¨ºte livide. Ce n''¨¦tait pas une simple arrestation qui aurait lieu, mais une humiliation publique. Mon ami guetta la toile, h¨¦sitant ¨¤ s''¨¦chapper dans un autre tableau et d¨¦clinant dans la foul¨¦e son invitation. Un petit cador ¨¤ proximit¨¦ gloussa nerveusement. Je me demandais ce qu''il pouvait se reprochait. Carlsen attendit que le ton baisse pour continuer. Ses hommes paraissaient d¨¦sempar¨¦s face ¨¤ la situation et le scout vint leur dire quelque-chose. Ils rougirent et se dispers¨¨rent dans la cantine. - Nous sommes navr¨¦s de devoir interrompre votre repas, mais c''est notre seule mani¨¨re d''¨ºtre certains que notre criminel soit pr¨¦sent. L''enqu¨ºte men¨¦e conjointement avec les envoy¨¦s du H¨¦ron... - Par les envoy¨¦s du H¨¦ron, rectifiais-je ¨¤ voix basse. Je m''emballais et ne l''¨¦coutais plus. Les hommes de Carlsen ne tarderaient pas ¨¤ nous rejoindre et pointeraient leurs fusils sur le c?ur d''Hector. Personne ne prendrait sa d¨¦fense et moi... Oh, on me demanderait de le suivre. J''en ¨¦tais certain, Carlsen indiquerait au scout que nous ¨¦tions toujours fourr¨¦s ensemble et ne manquerait pas cette occasion pour me coffrer. Je pense qu''il avait encore de travers notre ? pseudo ? acte h¨¦ro?que de plomberie. Je le d¨¦testais, il me d¨¦testait. Je me gla?a en captant son regard qui se d¨¦gagea aussit?t du mien pour venir se ficher vers les marmites qui bouillonnaient : ¨C Sigmund Weber, vous ¨ºtes en ¨¦tat d''arrestation ! finit-il par lacher. Frapp¨¦ de stupeur, j''entrouvris la bouche pour protester et la referma aussit?t, conscient de la stupidit¨¦ de cet acte. Sigmund ? Nous le surnommions SIG parce qu''il se trimballait avec un pistolet ¨¤ la ceinture, h¨¦ritage de son grand-p¨¨re qu''on avait pris le soin de d¨¦militaris¨¦ et dont il ne se s¨¦parait jamais. Il nettoyait consciencieusement l''arme plusieurs fois par jour avec un amour na?f dans le regard. On allait jusqu''¨¤ pr¨¦tendre qu''il dormait avec. Je le vis se lever, il ¨¦carta les bras et s''exclama qu''il ¨¦tait l¨¤ avec une telle joie qu''un frisson d''horreur me parcourut. Il balbutia et je me mis ¨¤ me demander ce qui avait valu ¨¤ SIG de devenir ainsi. Nous avions tous notre lot de tourments, mais certains plus que d''autres. SIG en d¨¦bordait. Les brutes s''approch¨¨rent de lui et je vis ses mains qui all¨¨rent ¨¤ son pistolet. Il le d¨¦gaina. - Tu vas nous suivre SIG, c''est ainsi, dit Tad le Milicien. - Tout doux, tout doux SIG, r¨¦pliqua l''autre. Je me retourna vers Hector, blanc comme les ossements des victimes du H¨¦ron. Une gamine qui ne devait pas avoir plus de huit ans s''interposa. Elle leva un petit poing juv¨¦nile vers Tad. - Non, il ne sait pas voler ! s''indigna-t-elle. - Pas avec des ailes petite, dit un vieux ¨¤ proximit¨¦ - Pas avec des ailes ? S''¨¦tonna-t-elle. La brute soupira et la repoussa sans violence, mais du haut de ses cent kilos. Elle recula et frappa un coin de table, g¨¦missant de douleur. - C''est une gamine ! cria-t-on. - Foutez-lui la paix, ajouta-t-on. - Elle a raison, SIG ne serait pas capable, dit une troisi¨¨me voix. Il est inoffensif ! Carlsen observait la sc¨¨ne, fig¨¦ sur place. Des voisins se lev¨¨rent et commenc¨¨rent ¨¤ former une barri¨¨re entre SIG et les autorit¨¦s. Tad leva son fusil et tira une rafale. Les balles perc¨¨rent la toile. Des chaises furent renvers¨¦es alors que l''on prenait la fuite ou, pour les plus t¨¦m¨¦raires, se cachait sous les tables. ? C''est la d¨¦cision du H¨¦ron ? vocif¨¦ra Tad. Une silhouette sombre s''¨¦tait approch¨¦ de lui. Tad se retourna, le scout riait et les lapins d¨¦guerpirent de leurs terriers. ? Vous ne devriez pas parler au nom du H¨¦ron ? lui dit-il. De ses gants jaillirent deux crochets qui s''ancr¨¨rent dans ses ¨¦paules. ? Compris ? ? insista-t-il alors que le sang coulait le long de ses bras nus. Je n''avais jamais vu Tad pleurer une autre fois que celle-ci pour la simple raison que je ne le vis plus. Il para?t que la septic¨¦mie l''a emport¨¦ peu apr¨¨s, mais des rumeurs pr¨¦tendent qu''il a ¨¦t¨¦ foutu dans une autre partie du camp. Je peux assurer que Carlsen ne porta aucun deuil et quoi qu''il en soit, je m''en fous. Vous m''excuserez d''¨ºtre d¨¦tach¨¦, mais cet homme ¨¦tait une enflure. ? J''ai eu tort ? g¨¦mit-il et les crochets se r¨¦tract¨¨rent. Le m¨¦decin sectoriel se rua dans le mess pour escorter le milicien vers la sortie. Le scout Desmond d¨¦signa SIG d''un doigt rougi par la blessure inflig¨¦e ¨¤ sa victime : - Nous avons des preuves ¨¦videntes de sa culpabilit¨¦. Gardien Carlsen, montrez-les. Le chatiment du H¨¦ron ne saurait ¨ºtre pris pour une injustice, dit-il. Je n''avais jamais vu Carlsen prit ¨¤ ce point au d¨¦pourvu. Non pas que je ne l''ai jamais vu en difficult¨¦, l''incapable parvenait tr¨¨s bien ¨¤ l''¨ºtre, mais je ne l''avais jamais senti aussi fragile. Un de ses hommes lui donna le sac de randonn¨¦e et le plus haut responsable local de l''autorit¨¦ ¨C dont l''un des lardons venait d''¨ºtre gourmand¨¦ ¨C entreprit de le vider. Le plaid jaune et noir avait disparu, remplac¨¦ par des brochures d''une ¨¦poque r¨¦volue o¨´ l''on pouvait encore se procurer un M-4 par correspondance. Il y en avait toute une collection, en plus de nos rations disparues. Nos regards se port¨¨rent sur SIG. Enfin, pour ceux qui ne s''¨¦taient pas tass¨¦s contre un des pans du mess. Carlsen expliqua ce que le sac contenait : - Des magazines, des gadgets... Les voil¨¤ vos preuves, dit-il platement. Apporter avec lui ses doudous aurait bien ¨¦t¨¦ du genre de SIG. Je trouvais la sc¨¨ne aussi path¨¦tique que convaincante. Le coupable d¨¦sign¨¦ ¨¦tait issu d''une lign¨¦e de survivalistes et devait ¨ºtre le seul type de la r¨¦gion ¨¤ collectionner des merdes li¨¦es ¨¤ cet univers. L''obsession ¨¦trange qui l''animait ¨¦tait connue de tous. Il s''agenouilla et commen?a ¨¤ parler ¨¤ haute-voix ¨¤ son pistolet-doudou. Pour ¨ºtre honn¨ºte, il hurlait : - Tu vois ! Ils ¨¦taient l¨¤ depuis le d¨¦but ! Je pensais les avoir perdu, je suis b¨ºte ! Il se cramponnait ¨¤ la crosse de son arme avec f¨¦rocit¨¦ et je compris qu''une chose clochait. Je me rappelais d''une arme noire, pas... Pour SIG, qui ne parvenait pas ¨¤ se souvenir de ce qu''il avait fait la veille, cela ne m''¨¦tonnait pas. Tout le monde connaissait l''existence de l''arme neutralis¨¦e de SIG, mais seuls ceux qui s''¨¦taient vaguement int¨¦ress¨¦ ¨¤ lui l''avait d¨¦j¨¤ vu. SIG et son flingue, un enfant et son lapinou. - Tu vois SIG ! Nous ne sommes pas seuls ! Il d¨¦posa un baiser sur l''arme. Je voulus crier, mais mes poumons n''avaient pas encore suffisamment r¨¦cup¨¦rer. Mon cri se perdit dans la foule alors que je tentais de la franchir. Mes poumons ¨¦taient encore flingu¨¦s. - S''ils sont l¨¤ c''est que vous avez raison, oui c''est s?r ! s''¨¦cria-t-il. - Tu vois, ce n''est pas compliqu¨¦, lui dit un des miliciens en s''approchant avec tendresse. - Prenez lui son arme, ordonna le scout Desmond. - Ce n''est qu''un jouet, entendis-je, ?a serait comme retirer la peluche d''un enfant en larmes. - Ce n''est pas une raison. - C''est mon copain ! tenta un SIG au bord des larmes. Dis-lui Flynn ! - D¨¦sol¨¦ SIG, mais... - Regardez ! dit SIG. Peu apr¨¨s, il pointa le flingue sur le milicien qui sourit. ? Il n''a jamais fait de mal ¨¤ personne ?, ce ¨¤ quoi il r¨¦pondit que c''¨¦tait bien vrai. Il pressa la d¨¦tente pour le prouver et le coup parti, en m¨ºme temps que l''onomatop¨¦e surprise de la bouche de notre loufoque local. Flynn tomba et SIG lacha l''arme. Dans la panique qui suivit, je ne pus retrouver Hector. Lui aussi avait disparu.